Dernier stade des successions écologiques, la forêt représente 30% de notre territoire. Elle est une maille essentielle de la matrice paysagère de nos régions. Au-delà de son utilité récréative (balade, récolte de champignon, activités sportives…) et de son intérêt économique (sylviculture), elle représente également un réservoir de biodiversité pour une faune et une flore spécifiques. Zoom sur les forêts inondables du fleuve Charente et l’emblématique Rosalie des alpes qu’ils accueillent. |
Au cours de leur vie, les arbres ne cessent de croître et de changer leur physionomie. Avec l’âge, leur houppier s’étend, leur écorce se fissure et leur tronc se parsème de cavités. Ces arbres vieillissants ont un très fort potentiel écologique par les gîtes qu’ils offrent (creux secs ou inondés, fissures des écorces, branchage), la ressource alimentaire qu’ils dispensent (branches mortes, feuilles, fruits/graines) et l’ombre qu’ils projettent au sol. Ces vieux arbres profitent ainsi à tout un écosystème comprenant les insectes qui déradent le bois, les oiseaux et chauves-souris se nourrissant de ces insectes ou de fruits et graines, les mammifères creusant des terriers entre les racines (Vison et Loutre en bordure de cours d’eau) ou vivant dans les arbres (écureuils, martres…).
Les forêts alluviales ou inondables sont les forêts naturelles qui se développent dans le lit majeur des cours d’eau. Ce lit majeur est situé de part est d’autre du lit mineur et correspond à la zone d’expansion des crues. Ce sont des habitats forestiers naturellement peu étendus, du fait de la faible surfaceoccupée par le lit des cours d’eau. Ces forêts jouent un rôle majeur dans l’épuration naturelle de l'eau et de l'air, par la rétention des intrants liés aux activités humaines, mais également dans l’écrêtage de crues grâce au ralentissement du courant et au dépôt de sédiments. Elles participent à la recharge des nappes phréatiques et constituent des habitats pour de nombreuses espèces de plantes épiphytes, lianes, champignons et animaux dont les frayères pour les poissons. Elles offrent aussi une production ligneuse abondante et de qualité pour les espèces spontanées, avec des feuillus précieux (Chêne pédonculé, Frêne) et des espèces secondaires susceptibles de valorisation économique (Aulne glutineux).
La forêt alluviale est le type de forêt le plus riche pour ce qui est du nombre d'espèces par unité de surface en Europe. Elle se décline en plusieurs « habitats d’intérêt communautaire » au sein du réseau Natura 2000. Ces milieux riches accueillent notamment la Rosalie des alpes qui, pour le développement de ses larves a besoin de bois mort.
Cet insecte emblématique est menacé, tout comme son habitat qui a été modifié par les activités humaines. Les forêts anciennes alluviales ont commencé à régresser dès l’Antiquité. Déboisement au profit d’activités agricoles, travaux hydrauliques divers (endiguements, régularisation, captages), installation portuaire, exploitation de granulat… Les impacts des grands travaux hydrauliques sur les fleuves ont été considérables. En rétrécissant l’emprise d’eau dans la plaine alluviale grâce à l’édification de digues, les rythmes naturels des rivières ont été modifiés. Ces aménagements hydrauliques réduisent et assèchent les surfaces inondables, on estime que 88 % des forêts alluviales ont disparu en Europe.
Ainsi, les forêts en place présentent aujourd’hui un caractère résiduel. Elles ont été remplacées sur les bords de la Charente par les prairies, les cultures de céréales et les peupleraies. Si aujourd’hui elles connaissent une légère expansion surfacique sur le bassin versant, tout l’enjeu est de maintenir les noyaux anciens répartis çà et là le long du fleuve. Ils constituent en effet des réservoirs de biodiversité à partir desquels la recolonisation faunistique s’effectuera sur les nouvelles surfaces conquises par les forêts humides.
C’est à cet objectif de maintien qu’a souscrit un propriétaire privé dans la vallée de la Touvre. Il a décidé d’engager pour 30 ans sa parcelle à haute valeur écologique en Contrat Natura 2000 dit « Sénescence ». L’objectif est l’amélioration de la naturalité et le renforcement de la fonctionnalité de cette forêt alluviale. Il sera atteint par la mise en œuvre d’action visant à indemniser l’absence totale d’intervention sylvicole sur la parcelle. Aucun arbre ne sera donc abattu et le bois mort, sur pied ou au sol, sera maintenu. En échange, le propriétaire sera indemnisé pour le manque à gagner qu'il aurait touché en cas d'exploitation forestière.
L'ensemble de cette opération est financé en totalité par l'Union Européenne et l'Etat français
Merci au propriétaire qui achoisi de s'engager dans cette démarche de préservation de ce bien commun qu'est notre patrimoine naturel, une première en contexte forestier pour le site Natura 2000 de la Vallée de la Charente entre Angoulême et Cognac.